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Francesco Della CasaPublié le 19/10/2015
entrer: MSA - "Une passerelle baroque"
Le projet de passerelle traversant la place Verboeckhoven à Schaerbeek est bien davantage qu'un ouvrage d'art. Il restaure la continuité symbolique d'un axe historique de la métropole bruxelloise et participe à une opération de revitalisation urbaine et de renforcement de la cohésion sociale, dans le cadre du Contrat de Quartier Navez-Portaels.
L'observation des cartes historiques indique que la création, en 1878, d'une place elliptique vers laquelle convergent sept rues et avenues, s'inscrivait dans un projet urbain que l'on pourrait qualifier d'inspiration baroque. Elle est en effet située sur un axe rectiligne réunissant la rue Royale, la rue Royale-Sainte-Marie, l'actuelle avenue du maréchal Foch et l'avenue Princesse-Elisabeth. Tout au long de cet axe, plusieurs édifices ont été implantés de manière à séquencer les perspectives: l'église Sainte-Marie, commencée par l'architecte Louis Van Overstraeten et achevée en 1853 par Gustave Hansotte, l'hôtel communal Colignon, construit en 1887 par l'architecte Jules-Jacques Van Ysendijck et la gare de Schaerbeek, édifiée la même année par l'architecte Franz Seulen.
Toutefois, cette intention monumentale a d'emblée été contrariée par la présence de la tranchée du chemin de fer de ceinture reliant la gare du quartier Léopold à la gare du Nord. Créée en 1866 par la Grande Compagnie du Luxembourg et cédée en 1873 à l'État belge, cette voie ferrée est donc antérieure à la création de la place Verboeckhoven. Celle-ci a dû par conséquent être ceinturée par une voie de circonvallation comprenant deux franchissements en dos d'âne de la tranchée ferroviaire. Dans les espaces libres, deux petits parcs en demi-lune complétaient le dispositif. Fortement contesté par l'échevin de l'instruction publique Henri Bergé, le projet de la place Verboeckhoven fut par lui comparé à la fosse aux ours de la ville de Berne. Ce qui popularisa immédiatement son sobriquet de Cage aux ours, qui reste aujourd'hui son appellation la plus commune.
Le projet de passerelle des architectes Benoit Moritz, Jean-Marc Simon et Alain Simon (MSA), associés au concepteur de structures Ney & Partners, se propose de réparer subtilement cette coupure en reliant les deux squares en demi-lune, qui sont tous deux bordés d'un long banc semi-circulaire.
L'axe de la passerelle étant perpendiculaire au tracé du chemin de fer, le plan du tablier composé de quatre trapèzes est comme pincé en son centre, de manière à s'ouvrir, d'une part, sur le grand axe baroque, et, d'autre part, sur l'axe formé par la rue Van Oost et l'Avenue Demolder. Une forme de restauration démocratique, en quelque sorte, qui place sur un pied d'égalité l'ement de la composition monumentale du XIXe et celui de deux voies de desserte du quartier.
Ce travail de pli est également repris en coupe, afin de former un dos d'âne respectant le gabarit ferroviaire. Pour franchir cette différence de niveau, le tablier est divisé en trois parties : deux trapèzes inclinés, qui comprennent chacun un gradin bordé d'une rampe et d'une volée d'escalier, sont situés de part et d'autre d'une partie plane, elle aussi formée de deux trapèzes opposés. Le principe structurel en auge offre une protection visuelle et phonique à l'espace de déambulation de la passerelle. Il permet également de la munir de deux garde-corps pleins, dont la hauteur offre tout juste au regard de se porter à l'horizontale.
Sur un plan fonctionnel, l'ouvrage d'art n'est pas que performatif. Même si on peut la traverser d'une traite, à pied, en vélo ou avec une poussette, la passerelle invite d'abord à faire halte. Que ce soit en s'asseyant sur ses gradins, le temps d'un échange avec quelques voisins, ou que ce soit pour contempler les sept perspectives qui convergent vers le centre de la plateforme. Elle joue donc un rôle de complément aux deux bancs semi-circulaires qu'elle permet de relier, les trois éléments faisant désormais partie intégrante d'un dispositif qui restitue enfin à la Cage aux Ours son véritable statut de place.
Bien sûr, cette opération de réparation urbaine sera, à elle seule, insuffisante pour restaurer la cohésion sociale dans un quartier qui fut l'objet de grandes tensions politiques au cours des dernières décennies du XXe siècle. Il y contribuera néanmoins de manière importante en le dotant d'un espace public de référence qui s'inscrit dans une certaine continuité historique.
En ce sens, on peut dire de cette passerelle qu'elle est un projet baroque. D'abord, parce qu'elle recoud la continuité d'un axe rectiligne qui se réfère clairement à la composition urbaine de la période baroque. Mais aussi parce qu'elle s'inscrit dans la tradition des escaliers munis de banquettes et de repos. Enfin parce que sa forme pincée, qui lui permet de s'évaser pour répondre spatialement à plusieurs points de vue, n'est pas sans évoquer les escaliers des parvis de quelques églises borrominiennes, San Carlo alle Quattro Fontane ou Sant Agnese, par exemple.
Au-delà de cette interprétation stylistique, la contribution majeure du projet de MSA et Ney est d'avoir su répondre, de manière élégante et simple, à la problématique lancinante des estafilades urbaines causées par les tranchées ferroviaires.Ecrit par Francesco Della Casa dans le cadre de la publication entrer: qui complète l'exposition éponyme. En librairie dès le 5 novembre.
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